Avions de chasse russes au-dessus de l'Estonie : un expert explique les réactions possibles de l'OTAN

Berlin. Helge Adrians est officier de marine et chercheur à l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP). Ses recherches portent sur la politique de sécurité et de défense, et plus particulièrement sur le réarmement de la Russie.
Monsieur Adrians, des avions de chasse russes ont survolé l'espace aérien estonien sans autorisation vendredi dernier. Il a fallu douze minutes aux avions de chasse de l'OTAN pour les repousser. Il y a moins de deux semaines, des drones russes ont survolé la Pologne. La Russie défie-t-elle l'OTAN ?
Oui, la Russie nous teste. Elle évalue notre capacité de réaction, militaire et politique. À quelle vitesse nos avions peuvent-ils arriver ? Dans quelle mesure les États membres de l'OTAN sont-ils unis ? Avons-nous une position unifiée ?
Cette position fait actuellement l'objet de débats. « Le Kremlin a besoin d'un signal d'arrêt clair », a déclaré Jürgen Hardt, porte-parole du groupe parlementaire CDU/CSU pour la politique étrangère. Quels risques l'OTAN prendrait-elle si elle répondait aux violations de son espace aérien par des frappes aériennes ?
La Russie veut nous placer devant un dilemme. Nombreux sont ceux qui affirment que Poutine ne connaît que la force. Cela pourrait d'abord faire bonne impression et constituerait un signal fort pour la Russie. Mais nul ne peut prédire la réaction du Kremlin après une attaque de ses avions de chasse. Si l'OTAN avait abattu ces avions maintenant, nous serions l'agresseur, ce qui ferait le jeu de la Russie. En revanche, si nous ne réagissons pas maintenant, Poutine pourrait penser que l'OTAN le tolérera. Nous avons du mal à résoudre ce dilemme.

Suite à l'intrusion russe dans l'espace aérien de l'OTAN et de l'UE, les responsables de la politique étrangère allemande s'inquiètent : l'OTAN doit-elle réagir avec prudence ou par la force ? L'alliance prévoit de tenir une réunion en début de semaine prochaine.
Si les deux options sont vouées à l'échec, existe-t-il d'autres options ? Quel rôle joue l'avantage du savoir procuré par la reconnaissance militaire ?
C'est comme un chasseur perché dans un arbre : il a besoin d'une bonne position pour surveiller son territoire ; il doit être vigilant. S'il tire, il doit être rapide et précis pour éviter de causer des dégâts. En termes militaires, cela peut être réalisé grâce à une meilleure mise en réseau des capteurs et des effecteurs. Satellites dans l'espace, drones de reconnaissance dans les airs, et même stations radar au sol : ils collectent des informations et, dans le meilleur des cas, offrent un avantage en termes de connaissances. Ceux qui collectent, évaluent et exploitent les informations plus rapidement et avec plus de précision bénéficient d'un avantage stratégique. Cela permet également d'éviter les surprises.
Vous parlez d'une meilleure préparation de la force de frappe. Le portefeuille militaire de l'OTAN est-il en soi suffisamment dissuasif ?
Si nous investissons davantage dans des systèmes d'armes modernes, ils ont également un effet dissuasif. Les adversaires potentiels évaluent soigneusement leur capacité à y résister. La tactique se joue comme aux échecs.
Le terme technique est « police aérienne » : il décrit la surveillance et la sécurité constantes de l'espace aérien par des avions de combat afin d'identifier et de contrôler rapidement les mouvements aériens non autorisés ou inconnus. Puisque des pays comme les États baltes ne disposent pas de leurs propres avions de chasse, les partenaires de l'OTAN assument cette tâche par rotation avec de petits contingents. L'objectif est de garantir la souveraineté aérienne, d'éviter les surprises et de créer un effet dissuasif contre des adversaires potentiels. C'est ainsi que des avions italiens de l'OTAN ont « escorté » des avions russes hors du territoire de l'OTAN la semaine dernière.
De nombreuses personnes se demandent déjà à quelles informations se fier. Est-ce également le cas pour les reportages généraux sur les passages frontaliers russes ?
La Russie cherche à créer un sentiment d'insécurité. Cette approche est qualifiée de déstabilisation contrôlée ou de chaos organisé. En réalité, personne n'a été attaqué ; il s'agissait simplement d'avions de chasse. Bien qu'il y ait eu violation de la loi, aucun dommage matériel n'a été causé, à notre connaissance. Néanmoins, l'actualité crée un sentiment d'insécurité. La Russie tente d'être opaque et délibérément ambiguë. On se demande ce qu'elle veut vraiment. À un moment donné, les gens se disent : « Alors, laissons les Russes tranquilles, pourvu qu'ils ne nous attaquent pas. »
L'ONU s'est réunie lundi pour discuter du survol russe de l'Estonie. L'OTAN s'est réunie mardi et a ensuite mis en garde la Russie contre toute nouvelle violation de son espace aérien, menaçant de recourir à la force. Quel est l'objectif de cette réunion ?
Les violations répétées de l'espace aérien par la Russie nous concernent tous. La Russie cherche à nous diviser. Cette consultation vise à échanger des informations, à élaborer une position commune et à coordonner les actions futures. Le fait que les représentants des différents gouvernements se concertent rapidement est un signal fort contre la Russie : l'Occident désapprouve le comportement russe et reste uni. Le fait que le président américain Trump ait déclaré, après l'incident aérien estonien, qu'il ne souhaitait pas que de telles choses se produisent devrait faire réfléchir Poutine.
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