L'immigration est en plein essor : comment l'AfD et la gauche gagnent en visibilité en ligne

Pour les jeunes de 16 à 27 ans, TikTok et Instagram sont désormais les principaux canaux d'engagement politique. C'est ce que démontre la nouvelle étude « Comment vendre la démocratie en ligne (rapidement) » menée par la Fondation Bertelsmann et le Centre progressiste, un groupe de réflexion berlinois . Principale conclusion : aucun sujet ne suscite autant d'attention sur les réseaux sociaux que la migration. L'AfD, en particulier, exploite cette influence pour gagner en visibilité.
Les chercheurs ont analysé près de 31 000 vidéos du second semestre 2024 et interrogé 1 748 jeunes âgés de 16 à 27 ans. Ils ont constaté que les publications sur la migration suscitent nettement plus d'interactions que les contenus sur le climat, les questions sociales ou l'éducation. La migration est devenue un véritable aimant à diffusion, qu'elles soient factuelles ou fortement émotionnelles.
Les algorithmes récompensent l'exagérationLes différences entre les plateformes sont claires : Instagram est dominé par les stories personnelles, les photos et l’autosatisfaction, tandis que TikTok privilégie la provocation et les attaques. La stratégie de l’AfD est particulièrement frappante. Environ les trois quarts des publications contiennent des attaques contre d’autres partis ou institutions, souvent en lien avec la politique migratoire et d’asile. Cela place l’AfD largement en tête de tous les autres partis. L’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) et le Parti de gauche utilisent également plus fréquemment des formats d’attaque, tandis que le SPD, les Verts et Volt se concentrent principalement sur l’autopromotion et les stories personnelles. Cependant, ces derniers bénéficient d’une visibilité bien moindre. Les vidéos de la CDU/CSU se composent principalement d’autopromotion, de clips produits par des professionnels et de coupures de presse classiques. Les attaques contre les opposants politiques sont relativement rares, et leur portée est donc moindre ici aussi.
L'étude montre clairement que le flux algorithmique des plateformes privilégie les contenus conflictuels et exagérés. En moyenne, les attaques atteignent une portée supérieure d'environ 40 % à celle de la pure autopromotion. La migration se prête particulièrement bien aux clips courts et chargés d'émotion, souvent accompagnés de mots-clés et d'images percutantes. Pour les jeunes, cela signifie qu'ils sont principalement confrontés à des contenus sur la migration lorsque les partis politiques et les influenceurs exagèrent et polarisent le sujet. Nombre d'entre eux ont également exprimé le souhait d'une plus grande objectivité, de chiffres et de faits clairs dans l'enquête. Cependant, les infographies ou les vidéos explicatives sobres sont souvent oubliées par l'algorithme.
Les auteurs de l'étude mettent en garde contre les conséquences. Si des partis comme l'AfD cherchent délibérément à accroître leur influence sur les questions migratoires et misent principalement sur les attaques, le discours politique pourrait s'en trouver modifié à long terme. La polarisation s'en trouverait accrue, tandis que les débats objectifs perdraient de leur visibilité. Les partis démocratiques se trouvent alors confrontés à un dilemme : ceux qui ignorent la migration risquent de ne pas avoir beaucoup d'influence. Ceux qui s'en saisissent risquent d'être entraînés dans la même logique d'escalade et d'attaque. L'étude recommande donc de développer des formats authentiques et axés sur le dialogue, afin d'aborder la question migratoire de manière différenciée, sans céder la place aux populistes.
Les jeunes veulent de l’authenticitéEnviron 80 % des personnes interrogées déclarent utiliser Instagram quotidiennement ou plusieurs fois par jour, tandis que ce chiffre atteint environ 60 % pour TikTok. Elles ne recherchent généralement pas de contenu politique ; celui-ci leur est suggéré par des algorithmes dans leur fil d'actualité. Près de la moitié des personnes interrogées déclarent être régulièrement en contact avec la politique de cette manière. L'origine du contenu joue un rôle majeur. Seuls 38 % suivent directement des partis ou des personnalités politiques ; ils sont nettement plus nombreux (environ 60 %) à faire appel à des influenceurs politiques. Elles apparaissent donc plus accessibles, compréhensibles et authentiques que les politiciens traditionnels.
Le format est également important : les selfies vidéo où les influenceurs s'adressent directement à la caméra sont populaires auprès des jeunes utilisateurs. Les partis politiques ont jusqu'à présent rarement recours à ces formats ; seulement 13 % de leurs vidéos sont produites de cette manière. Les vidéos de danse, en revanche, qui représentent environ 2 % du contenu examiné, sont considérées comme des « tueuses d'audience ». De nombreux jeunes critiquent la communication politique en ligne des partis politiques. Ils la trouvent trop distante, techniquement mal mise en œuvre et souvent trop complexe dans son contenu. Ils recherchent de l'authenticité, un langage clair, une bonne qualité de son et d'image, et un contenu fidèle à la réalité.
Berliner-zeitung