L’influenceur algérien «Zazou Youcef» condamné à 18 mois de prison pour ses propos sur TikTok
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Âgé de 25 ans, Youcef Aziria avait appelé à «tirer» sur les opposants au régime de Tebboune en France et en Algérie. Il a plaidé une mauvaise compréhension de ses propos. Le tribunal y a vu une provocation à commettre un acte terroriste et l’a condamné à 18 mois ferme.
« Moi j’aime mon pays c’est tout. » Cheveux longs attachés en queue de cheval et fine doudoune noire, Youcef Aziria – alias Zazou Youssef sur TikTok - est arrivé dans le box des prévenus du tribunal de Brest les traits tirés par un mois de détention provisoire passé à l’isolement. Durant l’audience, il a tenté de démontrer que les propos qu’il a tenus sur son compte TikTok n’avaient rien de virulent alors que le ministère public y a vu une « provocation à commettre un acte terroriste » méritant d’être punie de 24 mois de prison ferme. Après délibération, le tribunal l’a finalement condamné à 18 mois ferme avec interdiction de paraître pendant dix ans sur le territoire français.
Dans une première vidéo, le jeune homme de 25 ans, natif de Mostaganem, en Algérie, et arrivé en France en 2020, menaçait de commettre des attaques contre les opposants au régime algérien lors du Nouvel An. «On va tirer sur vous (…) Vous voulez sortir le 1er janvier ? Tirez sur eux, il faut faire parler la poudre. Président Tebboune, tirez sur eux, ils veulent le chaos», déclamait l’influenceur, connu sous le pseudo «Zazou Youssef» et suivi par 400.000 personnes avant que son compte ne soit banni par la plateforme. Devant le tribunal, il a affirmé ce lundi que ses propos avaient été mal compris. « Je m’adressais à l’armée algérienne et je disais « tirez sur eux pour qu’ils rentrent chez eux et qu’ils fassent pas de choses bizarres », a-t-il déclaré timidement.
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Le prévenu soutient que sa volonté était d’empêcher les opposants au régime de Tebboune de descendre manifester dans les rues et « que ce ne soit pas le chaos comme après les manifestations des années 1990. Je demande à l’armée de faire peur pour remettre l’ordre dans le pays ». Le président, qui trouve ses explications « peu limpides », l’interroge : « Vous employez plusieurs fois le mot “tirer”, ce n’est pas juste faire peur ça, vous ne trouvez pas ?». « C’est une façon de parler », se défend l’influenceur.
Nous sommes en guerre. Au moindre faux pas on va niquer vos mères
«Zazou Youcef»
Les avocats de Youcef Aziria, Me Nabil Boudi et Hermine Frapier, interviennent en rappelant que la vidéo sur laquelle la procédure est basée est un montage. Les propos ont été coupés, « sortis de leur contexte », et la version originale n’a pas été retrouvée par les enquêteurs. « La vidéo originelle dure 3mn 50, or celle sur laquelle vous vous basez ne fait que 40 secondes. Avec ce montage, ses propos ont été totalement déformés », argue Me Boudi. « Mon client a répondu à un mouvement lancé par d’autres tiktokeurs qui appelaient à des soulèvements en Algérie contre le gouvernement en place. Mais il n’a pas d’engagement politique, son truc c’est le foot et d’ailleurs, à part les deux vidéos incriminées, vous n’avez retrouvé aucune publication à connotation politique », déroule le pénaliste.
La seconde vidéo litigieuse a été publiée quelques jours plus tard, en réponse aux réactions suscitées par la première. «Nous sommes en guerre. Au moindre faux pas on va niquer vos mères», menaçait le jeune père de famille en mimant un geste d’égorgement. Puis : «Venez nous affronter. Si vous avez quelque chose à dire, on est là. On va vous niquer, on va vous violer puis niquer votre mère (...) Vive l’Algérie, moi je vais vous achever.» Les vidéos de cet influenceur, désormais sous OQTF, ont été largement relayées et commentées sur les réseaux sociaux, au point de créer «un climat d’inquiétude», avait déploré le procureur de Brest, Camille Miansoni. «Avec 400.000 followers, on peut être étonné que vous soyez aussi imprudent dans le choix des mots. Vous avez pensé au fait qu’on puisse mal interpréter vos propos ? Qu’ils puissent entraîner un passage à l’acte ? », le questionne le juge dans une tentative de pédagogie. «J’ai dit ça parce que j’étais énervé. Je regrette j’ai pas pensé aux conséquences », se défend le jeune homme déjà condamné pour des vols et des dégradations.
Pour le procureur de la République de Brest, Camille Miansoni, peu importe que la première vidéo soit un montage, « quand vous entendez ‘tirez sur eux et tuez-les’ alors qu’il s’agit de manifestation publique, vous avez des actes qui portent atteinte à la vie ou l’intégrité des personnes ». Par ailleurs, le fait que la cible soit « les manifestants qui demandent un changement de gouvernement », il en découle une volonté de «troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur» estime l’accusation qui a requis 24 mois de prison ferme et 5 ans d’interdiction de territoire. À l’issue de l’audience, le tribunal s’est effectivement dit « convaincu de sa culpabilité ». Accusant le coup, Youcef Aziria est reparti, menottes au poignet, ses proches ont quitté la salle en larmes.
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