Procès Le Scouarnec : «J’ai commis des actes odieux», confesse l’accusé
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COMPTE RENDU D’AUDIENCE - Au premier jour de son procès pour viols et agressions sexuelles sur 299 patients, l’ancien chirurgien de 74 ans a reconnu la grande majorité des faits qui lui sont reprochés.
Et soudain, à 13h05, celui que tous attendaient est entré dans le box. Crâne dégarni hormis une couronne de cheveux blancs, lunettes, veste sombre : tel est apparu Joël Le Scouarnec, médecin retraité de 74 ans, jugé à partir de ce lundi 24 février par la cour criminelle du Morbihan pour des agressions sexuelles et des viols aggravés sur 299 patients, essentiellement mineurs, entre 1989 et 2014. À l’invitation de la présidente de la cour Aude Buresi, l’accusé a décliné son identité devant une salle principale comble et des caméras retransmettant l’audience dans trois salles de déport. «Joël Le Scouarnec, né le 3 décembre 1950 à Paris». «Votre profession avant d’être incarcéré ?», a demandé la magistrate. «Chirurgien», a répondu le principal intéressé avant de se rasseoir.
Joël Le Scouarnec n’a repris la parole qu’une seule fois, en toute fin de journée. Mais sa courte déposition liminaire a donné le ton des trois mois à venir. «Si je comparais devant vous c’est qu’effectivement, alors que pour la plupart c’étaient des enfants, j’ai commis des actes odieux. Si je comprends et compatis à la souffrance qu’a pu provoquer chez chacune de ces personnes la très grande violence de [mes] écrits, je me suis efforcé tout au long de mes interrogatoires à reconnaître ce qui constituait des faits de viol et d’agression sexuelle, mais aussi à préciser ce qui à mes yeux n’en était pas, a déclaré l’accusé d’une voix posée et marquée par l’âge. Je suis parfaitement conscient aujourd’hui que ces blessures sont ineffaçables, irréparables ; je ne peux pas revenir en arrière. Je leur dois, à toutes ces personnes et à leurs proches, d’assumer la responsabilité de mes actes et les conséquences qu’ils ont pu avoir et qu’ils auront sans doute encore tout au long de leur vie.»
Me Maxime Tessier, l’un des deux avocats de la défense, a confirmé ce positionnement de son client. «M. Le Scouarnec a été entendu pendant cinq mois à Lorient, sur près de 49 interrogatoires [lors de l’instruction, NDLR]. Il a reconnu en grande majorité sa culpabilité. Il aurait pu être mutique, désinvolte, agressif dans son langage… Nous avons un accusé qui souhaite se rendre disponible, y compris malgré son âge, à l’égard de la cour et des parties. […] Il souhaite devenir meilleur.»
Signe parmi d’autres que le «procès Le Scouarnec» est définitivement un procès «hors norme», la présidente Aude Buresi et l’avocat général Stéphane Kellenberger ont eux aussi fait des déclarations liminaires au premier jour de cette audience prévue pour durer jusqu’en juin. «La cour criminelle départementale va juger pendant plusieurs semaines Joël Le Scouarnec pour 300 faits. Je souhaite m’adresser à chacune et chacun d’entre vous», a précisé la magistrate, qui a effectivement eu un mot pour chaque catégorie d’acteurs concernés par l’audience. «M. Le Scouarnec, vous n’êtes ni un objet de curiosité, ni un sujet d’études, ni un débat de société, mais un accusé qui dispose d’un certain nombre de droits», a-t-elle notamment rappelé, assurant à la défense que «ni le label ‘grand procès’, ni le nombre de médias accrédités, ni les moyens déployés n’auront de poids sur la décision qui sera rendue».
De son côté, l’avocat général a souligné que la cour criminelle du Morbihan ne jugeait «ni un dossier, ni des documents, mais un homme, mis en accusation devant la justice pour des faits dont il va devoir répondre un par un». Estimant que la cour s’apprêtait à «juger au cœur de l’insupportable» et évoquant la «cruauté intense, terrible et polymorphe» de ce dossier, Stéphane Kellenberger a assuré que «ce procès [était] avant tout destiné aux victimes», qui «vivent l’indicible».
«Tout dans cette terrible affaire s’est révélé hors norme : les carnets, l’enquête – d’ailleurs un temps perturbée par la pandémie - ce processus inversé des révélations allant des enquêteurs vers les personnes ayant subi les faits mis à jour alors que la plupart n’en avaient aucun souvenir», a souligné le représentant de l’accusation. « Nous avons conscience que les 20 années de réclusion criminelle encourues a maxima pourront paraître peu adaptées aux yeux de ceux qui ont enduré et endurent encore », a-t-il conclu, rappelant au passage la peine maximum encourue par Joël Le Scouarnec, qui devrait être fixé sur son sort au début du mois de juin.
lefigaro