Aide à mourir, notion de pronostic vital…. Ce qu’il faut savoir avant l’examen des textes sur la fin de vie à l’Assemblée nationale

Deux textes pour une question de société extrêmement sensible. La proposition de loi transpartisane sur la fin de vie sera discutée dans l’hémicycle à partir de ce lundi 12 mai, en vue d’un vote solennel sur l’ensemble de la loi le 27 mai. Celle-ci a été scindée en deux textes, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale et surtout du fait de l’hostilité de François Bayrou, devenu premier ministre, à la légalisation de l’euthanasie. Un choix que justifiait en mars le ministre de la Santé, Yannick Neuder, dans Le Monde : « le fait d’avoir deux textes permet à chaque parlementaire de se déterminer en son âme et conscience ».
Le premier texte sur les soins palliatifs, porté par Anne Vidal (EPR) et plus consensuel, a été adopté à l’unanimité en commission le 11 avril. C’est sans surprise le second, sur l’aide à mourir, qui sera la plus discutée, car le plus clivant. Défendu de longue date par le député Olivier Falorni (MoDem), il a été validé le 2 mai en commission (28 voix contre 15, 1 abstention). Cette aide à mourir « consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale », selon l’article 2 du texte, ouvrant la voie au suicide assisté ou à l’euthanasie pour les patients en phase avancée d’une maladie incurable.
Parmi les modifications apportées au texte d’origine, plusieurs viennent de la gauche. L’amendement d’Élise Leboucher (LFI), adopté, permet au patient de choisir entre l’auto-administration du produit létal et injection par un soignant, un droit étendu même si le patient est physiquement apte. Une modification dénoncée par la droite. « Ce qui vient de sauter, c’est cette exception euthanasique (qui veut que seul le patient, sauf incapacité physique, soit responsable de son geste – N.D.L.R.). Ce n’est pas anodin », a dénoncé le député et ex-ministre de la Recherche Patrick Hetzel (LR), estimant que l’équilibre du texte était rompu.
Autre évolution : l’ajout de « droit à » l’aide à mourir, porté par Yannick Monnet (PCF), afin que ce ne soit plus seulement une « possibilité ». À l’inverse, l’amendement de Danielle Simonet (apparentée écologiste), visant à s’appuyer sur les directives anticipées des patients incapables d’exprimer leur volonté, a été rejeté.
Un amendement de René Pilato (LFI) élargit l’accès à l’aide à mourir aux victimes d’accidents graves, en ajoutant « quelle qu’en soit la cause » au critère de maladie engageant le pronostic vital. Pour rappel, les cinq critères sont : être majeur, français ou résident stable, souffrir d’une maladie incurable qui engage le pronostic vital en phase avancée ou terminale, en souffrance réfractaire aux traitements, et être capable d’exprimer sa volonté. Les partisans du texte rappellent que tous les critères doivent être cumulatifs pour accéder à l’aide à mourir.
La notion de pronostic vital cristallise une grande partie des débats. Dans le projet initial, le texte indiquait qu’il devait être engagé « à court ou moyen terme ». Or cela ne permet pas de fixer un périmètre clair. Dans un avis publié le 6 mai, la Haute Autorité de la Santé estime en effet qu’aucun consensus médical ne permet de définir objectivement « moyen terme » ou « phase avancée » dans « une approche individuelle ». Un flou qui ne manque pas d’alimenter les débats.
À l’extrême droite, le RN propose de restreindre l’accès à la fin de vie dans le cas des pronostics engagés sous six mois. Pour Olivier Falorni, cet amendement aurait pour objectif de « s’assurer que le texte ne sera pas appliqué », alors que le groupe RN et plus largement la fachosphère, hors des murs de l’Assemblée, sont globalement très défavorables à la loi. Les Républicains, eux, défendent une échéance « à court terme », allant de quelques heures à quelques jours.
Après 42 heures de débat en commission, les deux textes seront examinés ensemble à l’Assemblée entre le 12 et le 19 mai, avec un vote solennel prévu le 27 mai. Olivier Falorni souhaite un vote simultané pour éviter toute obstruction : « Ce sera deux votes ou rien », a-t-il déclaré à l’AFP.
« Il ne peut y avoir d’évidence en matière d’aide à mourir », précise quant à lui le communiste Yannick Monnet (PCF). Si le texte sur les soins palliatifs ne souffre d’aucune divergence majeure, l’aide à mourir soulève, dans l’hémicycle comme dans l’opinion, un débat éthique, médical et philosophique profond, qui dépasse souvent les clivages traditionnels entre conservateurs et progressistes.
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