EDITO. Censure partielle de la loi Duplomb : le gouvernement en difficulté

Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi la disposition la plus contestée de la loi Duplomb, qui prévoyait la réintroduction sous conditions d'un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes, jugée par les Sages contraire à la Charte de l'environnement.
/2023/07/07/64a7df4c5fe71_placeholder-36b69ec8.png)
C’est un camouflet pour le gouvernement qui, certes, n’était pas à l’origine de cette loi, mais la soutenait. Pour l'exécutif, cette censure partielle est non seulement une sanction à caractère juridique, le Conseil constitutionnel reconnaît que, sur la réintroduction du pesticide controversé, la loi Duplomb contrevenait à notre Constitution, mais c’est aussi, et surtout, une claque à caractère politique.
Parce que, ce faisant, les Sages de la rue Montpensier admettent en effet, sans le dire, qu’à l’avenir, il ne sera plus possible en France qu’un texte législatif représente un retour en arrière en matière de protection de l’environnement. Et cette censure partielle est essentielle car elle marque peut-être même le début de l’interdiction totale, dans les années à venir, de tous les produits phytosanitaires reconnus toxiques pour la biodiversité et pour la santé humaine.
La meilleure preuve c’est que dès jeudi soir, Emmanuel Macron a fait savoir qu’il allait promulguer la loi "dans les meilleurs délais", c’est-à-dire dans les 15 jours qui lui sont impartis. Or, s’il tenait tant que ça à autoriser la réintroduction de l’acétamipride, le gouvernement aurait pu prendre le relais de la proposition de loi du sénateur Duplomb et déposer lui-même cette fois un projet de loi, allant dans le même sens. Il ne le fait pas parce que ce texte a créé un grand malaise au sein même du camp présidentiel et que l'exécutif veut tourner la page le plus rapidement possible.
Cette censure est également un nouvel exemple de l’instrumentalisation du Conseil Constitutionnel par le gouvernement : dans certains cas, comme par exemple la réforme des retraites ou la loi sur l’immigration, l’exécutif inclut ce qu'on appelle des "cavaliers législatifs", c’est-à-dire des mesures sans lien avec le texte, pour qu’ils soient censurés par le Conseil Constitutionnel et pour pouvoir dire ensuite : "On a essayé mais ce n’est pas passé, ce n’est pas de notre faute".
Au-delà de la censure partielle de cette loi, c’est le contexte dans lequel elle a eu lieu qui est important, avec cette pétition contre elle, signée par 2,1 millions citoyens, ce qui est une mobilisation absolument massive. En 2018 déjà, dans "l'affaire du siècle", une pétition citoyenne avait été signée par 2,3 millions personnes. Il s’agissait alors de soutenir des ONG qui attaquaient l'État en justice pour "inaction climatique".
Ces deux exemples montrent qu’une grande partie des Français est extrêmement sensible à la protection de l’environnement, et que dans ce domaine ils continueront à être vigilants. C’est un message envoyé au parlement et au gouvernement.
Francetvinfo