Loi Duplomb : la censure partielle par le Conseil constitutionnel, une décision qui divise

Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré, jeudi 7 août, la très contestée loi Duplomb. Au cœur des débats : la réintroduction sous conditions de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018. Une mesure jugée contraire à la Charte de l’environnement par les Sages, en raison d’un « encadrement insuffisant ».
L’Élysée, de son côté, a indiqué qu’Emmanuel Macron « a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel » et « promulguera le texte tel (qu’il) résulte de cette décision dans les meilleurs délais ».
Le sénateur LR Laurent Duplomb, auteur de la loi, n’a pas exclu ce vendredi matin un nouveau texte pour réintroduire le pesticide acétamipride contesté, mais en tenant compte cette fois des critères imposés par les Sages. « En fait, il nous donne les éléments qui pourraient permettre, avec un nouveau texte, de trouver des solutions pour pouvoir peut-être réintroduire » l’acétamipride.
Cette décision a toutefois été saluée par les écologistes et une partie de la gauche comme une victoire majeure : « Grâce à notre recours au Conseil constitutionnel, celui-ci censure le cœur de la loi Duplomb soutenue par le gouvernement », s’est ainsi réjoui la France insoumise dans un communiqué.
Sur RFI, Éric Piolle, maire écologiste de Grenoble et porte-parole des Écologistes, juge que la loi Duplomb reste « nocive », malgré sa censure partielle par le Conseil constitutionnel. Selon lui, elle ne concerne qu’« un tout petit nombre de paysans, qui ne sont plus vraiment des paysans mais des industriels ». Il déplore que le texte ne traite « ni de la question des revenus » ni de celle du lien « de la fourche à la fourchette ».
Marine Le Pen (Rassemblement national) a accusé les Sages de « se comporter comme un législateur » sans « légitimité démocratique », estimant que le Conseil constitutionnel « scie la branche sur laquelle il est assis ». Chez LR, Laurent Wauquiez tonne, lui aussi, contre « l’ingérence des juges constitutionnels ».
Dans le monde agricole les points de vue s’opposent également. La FNSEA a dénoncé un « choc, inacceptable et incompréhensible », regrettant une décision qui met en péril, selon elle, certaines filières « en danger », comme celle de la betterave ou de la noisette. Son vice-président, Jérôme Despey, a critiqué des « surtranspositions » du droit européen, rappelant que l’acétamipride reste autorisé dans l’UE jusqu’en 2033.
La Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, y voit, quant à elle, une « victoire d’étape » et appelle à « continuer de mettre la pression pour obtenir une réorientation des politiques agricoles ». Son porte-parole, Stéphane Galais, a souligné l’ampleur inédite de la mobilisation citoyenne : plus de 2,1 millions de signatures ont été recueillies contre la loi.
« On ne peut que se satisfaire de la décision du Conseil constitutionnel », a réagi le vice-président de l’Ordre des médecins, Jean-Marcel Mourgues tout en reconnaissant « la réalité des problèmes des agriculteurs », leur « souffrance psychologique liée à la détresse parfois professionnelle ».
« Nous sommes très attachés à ce qu’en termes d’exposition à des produits potentiellement dangereux, il faille respecter conformément à la Constitution le principe de précaution, puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que de la santé de nos concitoyens et de la prévention à des graves maladies potentielles », a-t-il ajouté.
Sur France Inter, Yannick Neuder, ministre délégué à la santé, dit « respecter la décision du Conseil constitutionnel ». Il appelle toutefois à une « réévaluation sans délai » de l’acétamipride par les autorités sanitaires européennes, plaidant pour « de la transparence et de la rigueur ». « On ne peut pas interdire une substance en France tout en important des produits traités avec dans d’autres pays européens », fait-il valoir.
La Croıx