« Gérez-le et cela fera moins mal » : les représailles du Brésil contre les États-Unis pourraient conduire à une escalade de la crise

La nouvelle série de droits de douane imposés par les États-Unis au Brésil suscite des inquiétudes quant à une potentielle guerre commerciale entre les deux plus grandes économies des Amériques. Le décret signé par le président Donald Trump mercredi (30), qui instaure une surtaxe supplémentaire de 40 % sur certaines importations brésiliennes à compter du 6, contient une menace explicite : toute mesure de rétorsion brésilienne entraînera des augmentations encore plus importantes.
Le document précise le mécanisme d'escalade. « Si le gouvernement brésilien devait exercer des représailles contre les États-Unis en réponse à cette action, je modifierai ce décret afin de garantir l'efficacité des mesures ordonnées », a écrit Trump. Le texte poursuit par un avertissement précis : « Par exemple, si le gouvernement brésilien riposte en augmentant les droits de douane sur les exportations américaines, j'augmenterai le taux de droits établi dans ce décret d'un montant correspondant. »
La logique est simple et dangereuse : si le Brésil augmente ses tarifs douaniers sur les produits américains, les États-Unis augmenteront proportionnellement leurs tarifs douaniers sur les exportations brésiliennes.
Les chiffres révèlent l'ampleur du problème. Selon les calculs de la Chambre de commerce américaine pour le Brésil (Amcham Brasil), basés sur les données de la Commission du commerce international des États-Unis (USITC), 56,6 % des exportations brésiliennes seront affectées par la nouvelle taxe. En 2024, cela représente 23,9 milliards de dollars de produits dont le prix augmentera sur le marché américain.
Il s'agit de la troisième mesure protectionniste de Trump contre le Brésil depuis son arrivée au pouvoir. En février, le républicain a imposé des droits de douane de 25 % sur l'aluminium et l'acier brésiliens. En avril, il a imposé des droits de douane de 10 % sur toutes les marchandises importées du pays.
La justification américaine des nouveaux tarifs comprend des accusations selon lesquelles le Brésil aurait pris des mesures « sans précédent » qui, selon les États-Unis, menacent la sécurité nationale, la politique étrangère et l'économie américaine, notamment l'ingérence dans l'économie, les violations de la liberté d'expression et des droits de l'homme, et la persécution politique d'un ancien président – Jair Bolsonaro (PL).
Lula a déjà préconisé des représailles contre les tarifs douaniers américains sur le Brésil.La réaction du président Luiz Inácio Lula da Silva a été immédiate lorsque Trump a annoncé la hausse des droits de douane le 9. « S'il nous facture 50 $, nous lui facturerons 50 $. » Mais la réalité est plus complexe que ne le suggèrent les discours.
Le Brésil dispose d'instruments juridiques de rétorsion, comme la loi sur la réciprocité économique. Cependant, son application n'est pas automatique. La réglementation requiert des « mécanismes techniques, juridiques et diplomatiques préalables », notamment des tentatives de négociation, des consultations avec les secteurs concernés et, si nécessaire, l'ouverture d'un panel à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). De plus, les règles du Mercosur imposent des limites supplémentaires à l'autonomie du Brésil en matière de politique commerciale.
« Ce n'était pas une stratégie intelligente pour quiconque tentait de riposter. »William Castro Alves, stratège en chef de la plateforme d'investissement américaine Avenue, est catégorique : « L'expérience internationale montre que les pays qui ont adopté des mesures de rétorsion tarifaire n'ont fait qu'aggraver le conflit, sans parvenir à l'inverser efficacement. Il est devenu évident que rechercher la réciprocité ou imposer des droits de douane aux États-Unis n'était pas une stratégie judicieuse pour ceux qui ont tenté cette stratégie. »
Le secteur privé craint les effets d'une guerre commercialeLe secteur privé brésilien est clairement préoccupé par la perspective de représailles. Une enquête menée par Amcham Brasil entre le 24 et le 30 janvier révèle que 86 % des entreprises interrogées estiment que des mesures réciproques exacerberaient les tensions bilatérales et réduiraient la marge de manœuvre des négociations diplomatiques.
Les entreprises sont particulièrement préoccupées par l'impact sur les chaînes de production qui dépendent des intrants, des technologies et des équipements américains. Elles craignent également que l'image du Brésil en tant que destination sûre pour les investissements internationaux ne soit ternie.
Felipe Vasconcellos, associé chez Equus Capital, résume les risques : « Des représailles mal planifiées pourraient avoir des conséquences néfastes importantes sur l’économie brésilienne. Les secteurs fortement exposés au marché étranger seraient directement touchés, et avec eux, les emplois et des chaînes de production entières. Pour le consommateur, cela se traduirait par des intrants plus chers, de l’inflation et de possibles ruptures d’approvisionnement. »
Quel est l’impact des nouveaux tarifs sur le Brésil ?Deux études récentes quantifient les dommages potentiels d'une guerre commerciale. Le Centre d'études de modélisation économique (Nemea) de l'Université fédérale du Minas Gerais (UFMG) prévoit que si une hausse de 50 % des droits de douane était appliquée uniformément à tous les produits brésiliens, le PIB du pays subirait immédiatement une baisse de 0,16 point de pourcentage, soit l'équivalent de 19,2 milliards de réaux.
Les secteurs les plus vulnérables seraient l'agriculture et le commerce, avec une perte estimée à 72 000 emplois. Géographiquement, São Paulo, Rio Grande do Sul, Paraná, Santa Catarina et Minas Gerais – États fortement exportateurs – seraient les plus touchés.
Une étude de Fiemg prévoit une forte baisse du PIBUn scénario encore plus sombre ressort d'une étude de la Fédération des industries de l'État du Minas Gerais (Fiemg) . Si le Brésil mettait en œuvre les représailles de 50 % proposées par Lula, les conséquences seraient dévastatrices : le PIB reculerait de 2,3 % (259 milliards de réaux), 1,9 million d'emplois seraient supprimés, les revenus des travailleurs chuteraient de 36,2 milliards de réaux et les recettes fiscales de 7,2 milliards de réaux.
Dans un scénario d’escalade totale de la guerre commerciale, avec des représailles mutuelles s’intensifiant au fil du temps, Fiemg prévoit des pertes catastrophiques : jusqu’à 6 % du PIB brésilien (au moins 667 milliards de réaux) et 5 millions de pertes d’emplois sur un horizon de cinq à dix ans.
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