L'expert Iouchkov n'exclut pas une hausse des prix du pétrole au-dessus de 150 dollars le baril en raison des événements autour de l'Iran.

Une hausse des prix du pétrole est inévitable, la seule question est de savoir de combien. Analysant les conséquences immédiates de la frappe de l'armée de l'air américaine sur trois installations nucléaires iraniennes clés, les analystes du marché des matières premières n'excluent pas une hausse du prix du Brent à 100, voire 130 dollars le baril dans les prochains jours. Cependant, le scénario le plus extrême, selon eux, se réaliserait si Téhéran fermait le détroit d'Ormuz (et, par conséquent, interrompait le transport maritime), par lequel transite environ 20 % du pétrole mondial.

Depuis le début des frappes israéliennes contre l'Iran, le prix du pétrole a augmenté d'environ 10 % et, à la clôture des marchés vendredi, il dépassait les 77 dollars le baril. Depuis le bombardement américain dans la nuit du dimanche 22 juin, les marchés étaient dans l'incertitude, attendant l'ouverture des marchés lundi. Il ne fait aucun doute que le prix grimpera à au moins 80 dollars. Et tout dépendra alors de la réaction de Téhéran.

Selon des analystes interrogés par la chaîne de télévision américaine CNBC, une déstabilisation politique accrue en Iran pourrait entraîner une hausse non seulement significative, mais durable des prix des matières premières. Selon JPMorgan, depuis 1979, huit changements de régime ont eu lieu dans les principaux pays producteurs. En conséquence, les prix du pétrole ont augmenté en moyenne de 76 %, puis se sont stabilisés à un niveau supérieur de 30 % à celui d'avant la crise. Ainsi, après la révolution islamique de 1979 en Iran, ils ont presque triplé entre mi-1979 et mi-1980, provoquant une récession mondiale. Enfin, les événements en Libye en 2011, lorsque Mouammar Kadhafi a été renversé, ont entraîné une hausse des prix du pétrole de 93 dollars le baril en janvier à 130 dollars en avril.

« Maintenant, tout le monde attend la réponse de l'Iran », a déclaré Igor Iouchkov, expert à l'Université financière du gouvernement russe, dans une interview accordée à MK. « On ne sait pas si l'Iran frappera directement les bases militaires américaines dans la région ou se limitera au territoire israélien. Cependant, une escalade est en cours, même si l'administration Trump s'efforce par tous les moyens de calmer Téhéran, soulignant le caractère forcé et surtout ponctuel de son action. La logique est la suivante : nous ne pouvions pas faire autrement qu'intervenir, nous n'avions nulle part où aller, car Israël, après avoir attaqué l'Iran, n'a pas pu détruire ses installations nucléaires et nous a de fait transféré la mise en œuvre de cette mission. Mais la question est de savoir s'il s'agit d'une action ponctuelle de Washington ou si elle se poursuivra. »

- Dans quelle mesure le risque de voir l’Iran bloquer le détroit d’Ormuz a-t-il augmenté dans cette situation, notamment en minant les goulets d’étranglement ?

Pour l'Iran, même des frappes contre ses installations nucléaires ne constituent pas une raison absolue pour fermer le détroit. Une attaque de grande ampleur contre des infrastructures pétrolières et gazières aurait pu en être une, mais cela n'a pas eu lieu, à l'exception de la frappe menée par un drone israélien sur l'une des entreprises du champ gazier de South Pars. L'industrie pétrolière iranienne n'a pas non plus été bombardée : ni les ports, ni les champs, ni les oléoducs. Aujourd'hui, le pays continue d'exporter environ 1,5 million de tonnes de pétrole brut par jour, ce qui signifie que si le détroit d'Ormuz est fermé, il ne pourra ni exporter ces volumes ni générer de revenus. Ses revenus seront considérablement réduits. De plus, jusqu'à présent, aucune tentative visible de détruire le leadership iranien n'a été observée, malgré les menaces directes d'Israël et les déclarations de Trump : « Nous savons exactement où se cache l'ayatollah Ali Khamenei. »

Certes, les États-Unis participent directement au conflit, mais leurs objectifs restent limités. Si l'Iran frappe des bases militaires américaines dans la région, Washington pourrait étendre ses objectifs, en poursuivant l'escalade et en décidant qu'il est nécessaire de détruire le régime iranien lui-même. Pour l'instant, Téhéran n'a aucune raison de bloquer le détroit d'Ormuz : cela lui ferait plus de mal que de bien. Bien sûr, les cours augmenteront lundi à l'ouverture des marchés. Ce n'est pas pour rien que les États-Unis ont mené leur opération ce week-end afin d'éviter une panique excessive sur les marchés. L'évolution de la situation dépendra des signaux de l'Iran, d'Israël et des États-Unis.

- Que signifient tous ces événements pour le secteur pétrolier et gazier russe ?

Le scénario qu'ils élaborent actuellement est le plus rentable pour lui. Mais pas la fermeture du détroit d'Ormuz, qui risque une hausse des prix à 150, voire 200 dollars le baril. Des cours extrêmement élevés freinent la demande : rares seront ceux qui voudront et pourront acheter des matières premières dans ce cas. À l'échelle mondiale, la consommation diminuera, et le marché mettra alors beaucoup de temps à se redresser. Un prix modérément élevé sur une longue période est préférable à une courte période de prix extrêmement élevés. Autre facteur en notre faveur : le coût d'exportation du pétrole du Moyen-Orient augmente déjà, car les compagnies maritimes ne souhaitent pas maintenir de pétroliers dans le golfe Persique, craignant la fermeture du détroit d'Ormuz. En conséquence, elles augmentent les tarifs de fret pour l'exportation de pétrole, de produits pétroliers et de GNL. En bref, si le prix du Brent reste à 80 dollars le baril, notre Oural coûtera environ 70 dollars avec une décote. Ainsi, nous restons dans le cadre du budget initial de 69,7 dollars le baril.